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6 juillet 2009 1 06 /07 /juillet /2009 21:48
 L’enfant Michel face au diable-serpent du colonialisme

 

Par Ali Chibani

 

 

 

Dans son deuxième roman intitulé Le Dernier été des Indiens, l’écrivain québécois Robert Lalonde aborde un sujet tabou au Canada, en l’occurrence le sort réservé aux Indiens par les Blancs qui ont pris possession des terres d’Amérique. Le sujet est abordé à travers le personnage d’un enfant de treize ans et demi prénommé Michel qui raconte son histoire – réelle ou imaginaire ? – avec un ami indien. Le narrateur se souvient de cet été pendant lequel Kanak lui a fait découvrir la vie, la passion et la nature. Par moments, il s’adresse à son grand-père décédé qui est une figure projetée vers l’avenir qui représente l’idéal du narrateur de voir se réaliser une entente d’égal à égal entre les deux populations habitant le Canada. Mais la mort du grand-père cache mal le pessimisme de l’auteur quant à la réalité de l’évolution de la domination blanche au détriment du bonheur des Indiens. Aussi le récit est-il déroulé selon une logique de confrontation et de déni mutuel, le tout relaté à travers des métaphores et paraboles bibliques détournées.

 

Le village est dépeint comme une prison par Michel, ses habitants forment « le Clan ». L’enfant ne se considère pas comme faisant partie de cet espace concentrationnaire et sectaire dont les crimes sont justifiés par la morale religieuse : « Papa, maman, vous tous du clan, je m’excuse de cette naissance à l’écart de vous, hors de vos tourments, cette naissance pour moi tout seul » (p. 19-20). L’enfant, en parlant de naissance pour lui seul, fait référence à son détachement de son groupe social naturel pour s’enraciner dans un autre monde plus authentique. Cette naissance commence avec la rencontre de Kanak. L’enfant indien est idéalisé. Il finit par incarner un idéal d’existence où l’homme est proche de son humanité. Kanak est du côté de la vie.

Son apparition éveille tous les sens : « Son odeur le précède, mêlée à la résine : une odeur vraie, à sa vraie place » (p. 18). Kanak et deux autres enfants forment un trio que l’enfant considère comme étant « [s]es trois rois mages. Les trois sorciers de [s]a naissance. » (p. 26) Ils vont le faire entrer dans le monde du mystère et de l’inconnu pour découvrir une autre vie. Cette découverte se fait par l’apprentissage de la sexualité. En effet, le jeune Kanak initie Michel aux jeux interdits par la religion chrétienne de l’homosexualité. Il s’agit là d’une métaphore qui signe la pénétration de Michel par la culture indienne et son assimilation voulue et acceptée : « Dans le rêve, la sueur de mes aisselles a la même âcreté bouleversante que celle du grand Indien. Je deviens lui. Je me transformerai lentement en senteur et en force de forêt. » (p. 30). Dans cette union symbolique, l’enfant retrouve un équilibre entre besoins spirituels et désirs naturels. Esprit et nature ne sont plus antinomiques et l’enfant apprend à vivre dans un monde fait de gratuité, où tout se donne sans attente de retour, sans souffrance : « C’est facile d’apprendre avec toi puisque je ne ressens pas la douleur d’apprendre. Je sais que je ne sais rien encore et, quand je suis avec toi, je n’en souffre pas. Je ne fais que nager, essayer, vivre. Je ne fais que tenter ma chance, suivre le fil de l’eau, inventer ma joie » (p. 41). Dans le nouveau monde de Michel, consacré par un « bel équilibre » (p. 42), la mort ne compte pas.

Ce nouveau monde n’est pas sans rappeler au jeune héros la vie du Christ. Seulement, chez les Indiens, l’innocence ne tue pas. Dans ce monde, l’esprit de la terre ne condamne pas l’homme à manger son pain avec la sueur de son front. La résurrection est à la portée de tous : « S’il [Kanak] m’attrape et surtout s’il me tient contre lui, je serai obligé de me dénoyer d’un coup. Je n’y peux rien : dès qu’il me touche, c’est la résurrection instantanée » (p. 45). Le monde de l’Indien est construit sur des valeurs humaines primordiales soulignées par un foisonnement de métaphores renvoyant dans le même élan au soleil, à l’astre suprême, et à la peau rouge de l’Indien : « Dans le soleil couchant, ses cheveux sont rouges, comme sa bouche, et, ainsi, tous ses gestes m’éclaboussent. » (p. 118-119)

La paix trouvée par Michel est cependant entachée par la méchanceté du « clan » guidé par l’« atroce banalité de la haine » (p. 141). Le Village est choqué par la relation qu’entretient son enfant avec Kanak, d’abord parce qu’il s’agit d’une relation sexuelle, ensuite parce qu’elle le lie à un Indien, un païen issu de ces « Maudites têtes dures de sauvages » (p. 109). Les adjectifs consacrés à la description du village reflètent une absence de vie, une inexistence de passion. On a le sentiment de découvrir une secte qui n’existe que pour chanter la gloire de sa religion :

 

Je les regarde passer. Je ne m’en mêle pas. Tout le village psalmodie. L’ostensoir en or est en tête, suivi des enfants de Marie, puis viennent les enfants de chœur et tous les autres derrière, comme un long serpent paresseux et qui se lamente. Leurs chants tièdes et leurs étendards décolorés : une bien triste procession. Seuls les Indiens n’y sont pas. Je serais bien avec eux mais le clan m’oblige à assister à cette cérémonie sans couleurs. Oui, je suis avec eux maintenant.

Sur la véranda des Lauzon, nos voisins, le reposoir est monté. Leur vieille galerie est tapissée de fausses fleurs et des croix enguirlandées grimpent jusqu’aux fenêtres du grenier. Le grand Messier, Marc Saint-Onge, même le fou à Gilles Dufresne, ils sont tous travestis en archanges boiteux, un panier de pétales de narcisses dans le coude du bras, comme une sacoche de dame patronnesse. Je rirais bien mais je risque l’excommunication et ce serait compliqué.

 

Au lieu d'être excommunié, l’enfant est condamné à rester seul, loin de l’Indien. « Ce sont eux encore qui essaient d’empêcher ce qui doit être » (p. 92). Mais à chaque fois, Michel réussit à élaborer de nouveaux stratagèmes pour revoir son ami et vivre. Quand il n’arrive pas à se libérer, il donne libre court à sa mémoire et à son imagination. Le goût de la vérité le retient à lui et guide désormais ses pas. Michel ne peut plus revenir en arrière : « Avant, c’était le temps d’espérer, le temps de souffrir du manque d’essentiel, le temps de presque s’assécher, le temps de soupirer après rien, la parodie de la vérité, les rituels sans goût. Aujourd’hui, foulant le cadavre d’hier, aujourd’hui naîtrait-il ? » (p. 14).

Malgré son courage et sa volonté, Michel n’arrivera jamais à bout de l’obstination haineuse des siens. En cela, il mérite son prénom qui rappelle la parabole de Saint-Michel évoquée : « A gauche, la statue de l’archange Saint-Michel qui écrase, de ses deux pieds immenses comme des queues de castor, le diable-serpent et qui prend, sans cesse et sans succès, son élan pour lui enfoncer sa lance dans la gorge » (p. 136). L’insuccès de Saint-Michel, c’est celui de l’enfant narrateur qui va se plier aux lois du village qu’il devra quitter, dans son « petit costume réglementaire » (p. 156), pour aller faire ses études loin de la forêt. Ce sacrifice justifie une autre parabole : « A droite, la statue de la Sainte Mère avec son fils troué, saignant, répandu sur ses genoux, verdi par la crucifixion récente » (p. 136). Ceux qui célèbrent le Christ reproduisent ainsi l’acte meurtrier de ses bourreaux et s’enferment dans une existence hypocrite et ridicule comme l’illustre cette référence ironique aux voiles blanches : « Au centre, dans le sanctuaire, l’autel sculpté, verni, immense et luisant, plus attifé de voiles blanches que le gros bateau de Christoph Colomb quand il partit pour nous découvrir. » (p. 136).

 

            Le Dernier été des Indiens ne propose pas d’approche véritablement politique du problème indien en Amérique. Rares sont les références à l’isolement et à la stigmatisation des natifs d’Amérique. Robert Lalonde a fait le choix d’un récit poétique, fragmenté et dont les multiples sens, éparpillés avant d’être ramassés dans les derniers chapitres, sont au service d’une seule cause : démasquer l’hypocrisie des siens. L’auteur dénonce la manière dont ces derniers instrumentalisent la religion chrétienne pour asseoir leur domination idéologique raciste sur un peuple dont il mythifie la culture et la résistance au risque de faire oublier la réalité de ses souffrances.


Robert Lalonde, Le Dernier été des Indiens, Paris, éditions du Seuil, 1982, 158 pages.

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11 juin 2009 4 11 /06 /juin /2009 00:10
Poésie, rhétorique, registres et poésies francophones
L’œuvre de Hector de Saint-Denys Garneau

Par Stéphane Labbe*

La poésie québécoise dans la modernité


Si la poésie québécoise reste, au début du XXe siècle, attachée à certaines traditions avec les poètes régionalistes, une génération appelée « exotiste », parfois aussi « parisianiste » (on voit dès lors en quoi consiste l’exotisme), conteste la routine d’une poésie versifiée qui, consciencieusement, s’adonne à la célébration du terroir. Guy Delahaye, par exemple, s’attache à faire émerger la dimension ludique du poème, anticipant sur les recherches de l’Oulipo. Jean-Aubert Loranger abandonne la rime et s’essaie timidement au vers libre. Les exotistes auront leur revue, Le Nigog, éphémère tentative pour ... Pour lire la suite de l'article sur notre nouveau blog, cliquer ici

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27 mai 2009 3 27 /05 /mai /2009 12:15

Analyse

 

Gaston Miron ou la seule nécessité poétique[1]

Par Sandrine Meslet

 

 

mais donne la main à toutes les rencontres, pays

                                   toi qui apparais

                                               par tous les chemins défoncés de ton histoire

                                   aux hommes debout dans l’horizon de la justice

                                   qui te saluent

                                   salut à toi territoire de ma poésie

                                   salut les hommes et les femmes

des mères et des pères de l’aventure 

 

« Compagnon des Amériques »

 

 

Le recueil de Gaston Miron que nous nous proposons d’introduire tend à se confondre avec la situation socio-politique du Québec des années 60-70. Pourtant, au delà de l’écho politique indéniable qui résonne avec force dans L’homme rapaillé[2], il nous est aussi permis de voir, à nous lecteurs, la singularité d’une poésie qui chemine entre heurts et célébration[3]. La poésie de Miron s’agite telle une tempête, se noie, vocifère contre la houle, ne laisse aucune trêve au lecteur... Pour lire la suite de cet article sur notre nouveau blog, cliquer ici

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