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Le devoir de beauté *

Par Tahar BEKRI



Le poète arabe pré-islamique, Kaab Ibn Zouhaïr disait, déjà au 7ème siècle, que parler de la poésie est difficile. Toute parole ne peut remplacer le poème lui-même. Le succès d’un poème n’a pas toujours d’explications, réglées comme les aiguilles d’une montre, malgré tous les efforts critiques ou théoriques, louables et nécessaires, par ailleurs. Je ne veux pas dire que la poésie reste un mystère total, mais elle appartient à l’art. Et comme tout art majeur, elle est au cœur des sentiments humains les plus profonds, appartient à nos émotions les plus fortes. Elle est notre sensibilité qui bat au rythme du monde. La langue qui la porte n’est qu’un support à laquelle elle donne forme et rythme. La langue ne peut se substituer à la poésie pour devenir sa propre finalité. Un tel objectif – qui existe dans certains courants de la poésie contemporaine – limite mon intérêt. Je considère la poésie comme une parole qui privilégie l’humain par rapport à l’animal. Et c’est dommage de la gaspiller ou de la transformer en une parole rhétorique creuse, un discours politique ou de la mettre au service d’une propagande ou d’une idéologie. Un poème est un acte de liberté, d’affranchissement. C’est une vision. Avec l’exigence, elle est visionnaire. Rebelle à la domestication de l’esprit, elle est une aventure humaine formidable, vol de feu, chevauchée de l’imagination, même si elle part du réel, expression généreuse et altruiste. J’essaie, grâce à elle, de dire mon être, de défendre mon visage humain, contre la laideur dans le monde : guerre, violence, intolérance, fanatisme, cupidité, obscurantisme, etc. Elle est mon devoir de beauté, ma résistance contre la volonté de mort, chant vibrant pour la vie, respect de l’homme où qu’il soit, d’où qu’il vienne. Aussi, je n’ai pas de leçon à donner ni de message tout prêt à présenter sur un plateau. La poésie est une quête des vérités. Elle peut être complexe comme l’humain. Facile en apparence, plus difficile, intérieurement. J’écris de l’interrogation inquiète, de l’intériorité plongée dans la fureur du monde, du silence couvert par le bruit, de la défense de la lumière pour percer la cécité menaçante. La poésie est une éthique non pas une politique. Une manière d’être au monde. Un chant pour aimer. J’écris, pour des raisons historiques mais aussi par choix personnel, en arabe et en français. J’ai la chance d’avoir deux langues. Elles me permettent d’habiter une maison à deux fenêtres. Mon toit est l’univers, mon sol est la terre, ma porte est ouverte sur le large pour accueillir l’humanité entière. Je doute souvent. Ma seule certitude est le parcours humain dans sa traversée à la fois, épique et tragique, fragile et courageuse, magnifique et éphémère, digne et inconsolable, de la vie, l’amour, la mort.


© Tahar Bekri (poète).

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