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12 mai 2009 2 12 /05 /mai /2009 00:24

Analyse

L’effacement

Par Ali Chibani

 

 

 

L’arrivée du jeune roi Mohamed VI à la tête de la monarchie marocaine a maintenu la culture berbère dans la marginalité. D’ailleurs, nombreux sont les militants amazighs arrêtés et condamnés pour leur implication dans la défense et la promotion de leur langue. Refuser cet arbitraire devenu séculaire, non seulement au Maroc, mais partout en Afrique du Nord, ne doit pas nous faire fermer les yeux sur une autre réalité qui marginalise encore plus cette culture : l’occidentalisation effrénée des esprits. En 1973 déjà... Pour lire la suite de l'article, cliquer ici

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8 février 2009 7 08 /02 /février /2009 02:20

 

Analyse


Amin Maalouf ou la reconstruction romanesque des origines

Par Sandrine Meslet






           C’est en 2004 que paraît le récit Origines du romancier franco-libanais Amin Maalouf, ce dernier retrace l’épopée d’une famille du Levant et, plus précisément, celle de son grand-père paternel Botros. A partir d’une malle trouvée dans la maison familiale, Maalouf plonge dans les non-dits en légendes du passé et tente d’inscrire une destinée familiale entre création et reconstruction. Si le romancier se laisse enfin aller à l’évocation de ses origines ce n’est pas pour autant que le lecteur n’y retrouvera pas, ce qui lui plait tant chez cet auteur, une posture de romancier-conteur au verbe aventureux. Les maints voiles dont il s’entoure sont bien présents même si cette fois le romancier offre la possibilité au lecteur de le suivre dans sa quête. L’organisation du récit ne prête pas en ce sens à confusion puisqu’elle insiste sur le caractère progressif et poétique du projet comme le souligne les titres des chapitres « Tâtonnements », « Longitudes », « Lumières », « Combats », « Demeures », « Ruptures », « Impasses », « Dénouements ». La richesse du récit nous empêche de le traiter de manière exhaustive et rigoureuse, c’est pourquoi nous nous contenterons d’insister sur les quelques éléments qui nous semblent les plus pertinents dans le cadre de notre analyse.



Un aveu


Le récit s’ouvre sur le mode de la confession, les lacunes des archives familiales, constituées de courriers, de brouillons de lettres ou encore carnets, seront compensées par le romancier. Pareils à ses ancêtres dont il essaie de percer le mystère Maalouf se dissimule sous un masque, apprend à faire parler les ombres et se plaît à déchiffrer des énigmes. Il justifie même le recours à la fiction comme  inévitable, il est cependant aisé pour le lecteur de reconnaître combien ces lacunes représentent un tremplin romanesque, une invitation littéraire auxquels le romancier ne peut se soustraire :

 

En l’absence de tous les témoins, ou presque, j’étais forcé de tâtonner, de spéculer, et de mêler parfois, dans ma relation des faits, imaginaire, légende et généalogie − un amalgame que j’aurai préféré éviter, mais comment aurais-je pu compenser autrement les silences des archives ? Il est vrai que cette ambiguïté me permettait, en outre, de garder à ma pudeur filiale un territoire propre, où la préserver, et où la confiner aussi. Sans la liberté de brouiller quelques pistes et quelques visages, je me sentais incapable de dire « je ». Tel est l’atavisme des miens, qui n’auraient pu traverser tant de siècles hostiles s’ils n’avaient appris à cacher leur âme sous un masque[1].

 

Le travail d’investigateur est alors amorcé et sa principale difficulté réside dans l’interprétation de ces sources. Leur traitement pose question et une sorte de combat intérieur voit le jour. Comment faire parler les ancêtres mais aussi quels discours leur prêter ? Le trouble du romancier est palpable lorsqu’il choisit de se mettre en scène[2], dépliant et lisant les lettres, à l’affût du moindre indice « Je souriais parfois, ou m’indignais, ou essuyais des larmes. Constamment atteint dans mes certitudes anciennes, constamment secoué, troublé, désemparé[3]. » Une certitude, accompagnée d’une vive souffrance, s’impose à la lecture de ces pages, elle tient de cette nécessité de l’écriture et de cet irrémédiable besoin de retracer le cheminement des origines. Il n’est plus possible pour Maalouf d’écrire autre chose sans être venu à bout de ces archives et de ce qu’elles apprennent à l’auteur sur sa propre identité :

 

Ce qui se trouvait dans cette malle, c’était sa vie, sa vie entière, déversée là en vrac, toutes années confondues, pour qu’un jour un descendant vienne la démêler, la restituer, l’interpréter, − tâche à laquelle je ne pouvais plus me soustraire.[4]

 

La pudeur familiale est une réelle gageure romanesque, elle offre la possibilité au romancier de laisser la fiction envahir le récit et de lui donner de cette manière plus de profondeur. En effet, le lecteur n’est pas en mesure de distinguer ce qui relève ou non de la mystification littéraire, ainsi sa lecture n’en devient que plus riche. La tension entre l’univers des archives et celui de la fiction littéraire multiplie l’intérêt romanesque en abolissant les distances, rendant une nouvelle fois possible la métamorphose de l’histoire par la fiction.

 

 

Un portrait

 

Il n’est pas question pour le récit de servir d’éloge ou bien de blâme, le portrait de Botros apparaît d’autant plus touchant qu’il décrit une personnalité complexe et paradoxale. Libre autant que lié au territoire du Levant, conscient de ses responsabilités mais également prêt à tout abandonner, Botros est un homme de contradictions tout entier à l’image de son époque. En échappant à l’histoire pour s’inscrire dans un entre-deux romanesque, le personnage de Botros devient pareil à ses figures historiques remaniées par Maalouf. Il succède ainsi à Léon l’Africain ou encore à Omar Khayyam dans l’imagerie romanesque pour prendre une place à part à mi-chemin entre fiction et récit familial. Ceci est d’autant plus visible pour le lecteur lors de la description de Botros, comment ne pas être sensible à cette évocation ô combien romanesque du grand-père. Sous les traits de Botros se dessine une poétique chère au romancier, le portrait d’homme fondamentalement libre et à contre-courant de leur époque. Ainsi l’ancêtre est-il happé dans l’univers de la fiction, mystifié et entièrement réinvesti par le champ littéraire :

 

A Zaleh, dans les rues de la vieille ville comme dans les cafés en plein air qui bordaient le fleuve Berdaouni, Botros ne passait pas inaperçu. Ceux qui l’ont connu en ce temps-là décrivent un jeune homme élégant, vêtu avec goût, avec recherche, et même avec un certain sens de la provocation.

Ainsi, il allait toujours tête nue, ce qui faisait se retourner les gens à son passage. A l’époque, la plupart des hommes portaient les couvre-chefs orientaux, soit le fez haut, le tarbouche, soit le fez court, qu’on appelait maghrébin, soit encore le keffieh arabe, soit même des bonnets brodés ; ceux qui voulaient suivre la mode occidentale portaient le chapeau ; beaucoup, d’ailleurs, passaient de l’un à l’autre selon les occasions… Mais personne de respectable de chez lui tête nue. Sauf mon grand-père. Certains passants ne pouvaient s’empêcher de murmurer, ou de grommeler, et parfois même de l’apostropher ; ce qui ne l’a pas empêché de continuer  aller nu-tête jusqu’ou dernier jour de sa vie.

Comme pour affirmer encore son originalité, il portait constamment sur les épaules une sorte de cape noire, retenue à l’avant par un anneau d’or, et qui voletait derrière lui comme une paire d’ailes. Au-dessous, un costume également noir, et une chemise au col large et bouffant. Personne d’autre au pays n’avait la même silhouette, on le reconnaissait de loin[5].  

 

            Le romancier se plait à mettre en avant ce trait de caractère qu’il prête à raison ou à tort[6] à son grand-père afin d’offrir à l’ancêtre une place dans son panthéon littéraire. Au détour d’une phrase une réalité nouvelle, un nouveau monde sont distillés avec grâce et mesure comme l’illustre le catalogue des couvre-chefs de l’époque. Au-delà des scrupules, l’irrésistible tentation du romancier refait surface et plonge le lecteur dans l’intimité de la création, au plus près du travail de reconstruction romanesque.

 

 

C’est bien sous l’égide de la création littéraire que s’inscrit le récit d’Origines et aborde avec pudeur et retenue un destin familial dispersé entre plusieurs ères géographiques, allant de Cuba à New-York, de Berouth aux villages de la Montagne, du Liban à la France. Avec sensibilité et pudeur, le romancier nous invite à partager cette quête des origines qui n’est pas sans rappeler sa propre quête romanesque. La célébration des ancêtres passe une nouvelle fois par celle de la littérature dans l’imagerie maaloufienne, la plus belle manière étant d’évoquer avec retenue une famille, un destin avec l’outil le mieux façonné par ses mains celui de l’écriture romanesque.



[1] p.43

[2] La mise en abyme est d’autant plus percutante qu’elle met en scène l’auteur dans une activité de lecteur

[3] p.42

[4] p.42

[5] p.84

[6] Rappelons ici que le romancier n’est nullement tenu de suivre une quelconque réalité, nous dirions même qu’il est invité à se défaire des instances du réel afin d’entrer de plein pied dans l’univers de la fiction. Ajoutons que cet univers échappe, du moins tentons-nous de le démontrer ici, aux règles qui régissent notre société.

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7 février 2009 6 07 /02 /février /2009 02:07

Didactique

 

Déogratias : une histoire sans héros !?

Par Vincent Marie

 

 

Depuis le début des années 1980 avec des oeuvres comme Les passagers du vent de Bourgeon ou comme celles de Munoz et Sampayo sur la dictature en Argentine, la bande dessinée s’est engagée sur de nouveaux territoires et explore des registres inédits comme ceux de l’autobiographie, du reportage et de la fiction politique. Aujourd’hui le neuvième art s’est considérablement enrichi au contact de l’exploration de ces registres et, de fait, est devenu un média à l’écoute du monde. Dans Déogratias[1], c’est au répertoire du reportage que Stassen vient puiser son inspiration pour raconter l’histoire du génocide des Tutsi au Rwanda et de ses conséquences sociales. Ce récit/reportage centré sur le destin d’un jeune hutu semble être un auxiliaire pédagogique de premier choix pour analyser avec les élèves une des plus grande tragédie de l’Afrique du 20e siècle. Suivre le parcours de cet adolescent permet d’articuler un travail sur la structure narrative du récit qui s’organise en flash back selon une tripartition temporelle : avant, pendant et après l’horreur. Par cet habile procédé, Stassen réussit à faire partager les souvenirs d’un jeune hutu emporté dans la tourmente d’un génocide.

 

Avant le génocide, Déogratias : un adolescent ordinaire

 

Avant le génocide Déogratias est un jeune Rwandais qui vit comme tous les adolescents de son âge. Il va à l’école et il est amoureux d’une jeune fille : Bénigne. Lui est Hutu, elle est Tutsi selon la distinction opérée par le maître d’école dans une séquence clé de la bande dessinée, traduction de l’héritage d’une longue tradition historique et coloniale[2]. Dans ce contexte, Déogratias apparaît comme un adolescent au visage angélique. Il est sympathique, naïf, espiègle et associe le maître d’école à un imbécile. Il porte des vêtements propres et évolue dans des vignettes aux contours peu marqués. Du fait de la proximité de leur âge, les élèves peuvent d’ailleurs facilement s’identifier au jeune adolescent, d’autant qu’ils n’ont pas immédiatement conscience du drame qui se joue à la lecture des premières pages de l’album.

 

Pendant le génocide, Déogratias : héros ou bourreau ?

 

L’Histoire s’accélère et la tension dramatique de la fiction se traduit dans la position ambiguë qu’adopte Déogratias pendant le drame. Dans un premier temps, il tente de sauver Bénigne des griffes des génocidaires en la cachant chez lui. Mais Stassen ne présente pas pour autant le jeune adolescent comme un résistant, un héros courageux au sens classique du terme. Il agit pour des raisons personnelles et affectives. D’ailleurs, sa lâcheté se manifeste rapidement dans la suite du récit où il est amené sous la pression communautaire Hutu à participer aux massacres. Stassen interprète alors cette évolution par une métamorphose visuelle : les traits de Déogratias deviennent moins angéliques et plus graves et le choix de ne pas distinguer de héros dans un contexte de crise semble s’inscrire dans un changement de paradigme[3] au service d’une meilleure prise en compte des victimes. Il s’agit en effet de porter davantage l’attention sur les victimes du génocide même si l’ « héroïsme » de Déogratias n’est pas complètement occulté. Pour autant, Stassen ne tombe pas dans une victimisation outrancière, il préfère montrer comment un jeune adolescent ordinaire s’est trouvé « malgré lui » embarqué dans l’horreur.

 

 

Après le génocide,  Déogratias métamorphosé !

 

L’expression « Uraho ? » utilisée par Stassen dans la présentation de son travail et dont la traduction littérale est : « t’es toujours vivant ? » résume à elle seule toute la question du vivre avec le poids du génocide. Les cauchemars de Déogratias sont en rapport avec ses actes et la bière d’urwagwa qu’il avale en grande quantité ne lui fait pas oublier l’horreur à laquelle il a participé. Le cadre des vignettes qui entoure ses actions est d’ailleurs plus épais. Dans la bande dessinée, la métamorphose de Déogratias s’opère graphiquement. C’est un jeune homme qui déambule les bras ballants et l’esprit absent. Son regard est en proie à la folie, ses vêtements sont déchirés, ses propos incohérents. Par moment il s’imagine être un chien. Il a peur de la nuit et sa tête « est toute pleine de froid ». Ecrasé par les étoiles (qui représentent les âmes des ancêtres selon une vieille tradition rwandaise), il perd progressivement son humanité mais demeure malgré tout « une créature de Dieu », comme le laisse suggérer le frère Philippe à la fin de la bande dessinée.

 

Dans les mentalités collectives, Déogratias devient une figure emblématique et mémorielle du génocide Tutsi de par son relatif anonymat (c’est un adolescent ordinaire) et de par sa médiatisation en BD[4] (cette médiatisation en BD a le mérite avec le cinéma[5] de constituer l’ébauche d’une résonance mémorielle du génocide Tutsi en Occident). En ce sens, l’illustration de la destinée tragique d’un jeune adolescent Hutu semble être « un coup de maître pédagogique » pour mettre en lumière un génocide peu étudié dans les classes[6]. En façonnant son personnage, Stassen a finalement le mérite de poser une question essentielle : « et nous, qu’aurions-nous fait ? ».

 

 



[1] STASSEN Jean-Philippe, Déogratias, Aire Libre, 2000, 80 pages.

[2] FRANCHE Dominique, Rwanda, généalogie d’un génocide, Tribord, 2004, 114 p.

[3] Cette alternative est contemporaine de l’irruption de la mémoire dans la réflexion sur l’Histoire.

[4] La bande dessinée de Stassen a obtenu le prix René Goscinny du meilleur scénario en 2001 et connaît un succès important en Europe.

[5] Hotel Rwanda de Terry George, 2005 ; Shotting Dogs de Michel Caton Jones, 2005; Sometimes in April de Raoul Peck, 2005; 100 days de Nick Hughes, 2001… sont quelques uns des films qui ont médiatisé le génocide des Tustsi du Rwanda en Occident.

[6] Le traitement scolaire des génocides a connu de nouvelles approches au regard des contraintes mémorielles. Sur ce point voir le travail de BONAFOUX Corinne, DE COCK-PIERREPONT Laurence, FALAIZE Benoît, Mémoire et histoire à l’école de la République, quels enjeux ? Armand Colin, Paris, 2007, p.78.

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