CARNETS
Par Saint-John Kauss
au poète Jean André Constant
« La confiance en soi est la pierre
fondamentale
de la vie. Dès que tu perds cette confiance, la vie n’est
plus que ruine. »
(Tolstoï)
nous avons erré sans le savoir aux portes immaculées de nos vingt ans jusqu’à l’orée des souvenirs amers de nos amours beautés rebelles fuyant la sincérité des draps des mini-chambres aphones après l’amour
nous avons jeté l’éponge sans pour autant jeté la soif la liberté de nos cœurs maltraités au quotidien
que nous reste-t-il de ces années de lecture dans l’intime solitude sollicitude fragmentaire de tant d’amours végétales embâclées pour une infirme offrande de tendresse
le poème que nous créons porte l’engourdissement de nos heures de détresse scission des marges et les tracés de morphèmes aux effarements de nos gestes muets comme les vents d’octobre
intime l’œil du poète qui fit l’éloge de sa femme jusqu’aux regards jusqu’aux douceurs de bienvenue
et pourtant dans le jeu des éparpillements
le tissement des phrases de fertilité
dans l’angoisse installée en dessous des vertèbres
le dessein de se souvenir de chaque présage
j’ai demandé aux mémoires coutumières de dessiner la démarche de l’homme aux semelles innommées résidence de tous sanglots partagés de l’homme au passeport de carton périmé
aucun souci des aquarelles mais l’éloignement des corps et cœurs sans gratitude aux descentes des nuits que sollicite le poète soliloque Ô Gabion des infidèles
Ô Carénage parmi les pins et les palmiers tigés sous les banderoles
le poète qui entend la voix d’un autre poète
qui poursuit la symétrie des mots jusqu’aux solitudes des heures hallucinées
le poète qui marche comme ces îles décharnées jusqu’au renoncement final
jusqu’à l’enrichissement de la terre
jusqu’au dépouillement des attentes vaines
hors de vous cette déchirure aux contorsions de mes actes et la terre qui s’en va dans l’haleine des vivants
la terre de notre hâte sans recul
notre terre
ô rire heureux des paradigmes
et nous avons erré aux bruissements des racines d’eau jusqu’aux lisières de nos amours rebelles brûlant la frigidité des draps et la sévérité des corps de femmes mues par la rumeur
ces îles d’où nous venons taillées dans les pierres de marée basse
avec leurs destins sabrés d’os et d’anciennes vies
nos ancêtres à bout de sueurs dans les champs de coton
qui nous reviennent parfois avec leur gratitude après tant de misère
ces terres aux larges plaies répétées de nos oublis
avec leurs saisons prolongées et leurs récoltes à bout de bras
leurs murmures et le retour de l’ascète jusqu’à l’évanouissement
la mer à nouveau qui repeint les plages trempées de nos amours
74, Sunny Ridge Lane
Andes, NY (Delaware County)
13731-2848, USA
Catskill Mountain (NY), septembre 2007