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LA MERE – C’est-à-dire, à chaque tentative je suis arrivée au monde. Quand ? n’est pas une question. Au commencement…je suis déjà arrivée. Ou encore : Il était une fois terminus. On se la raconte à quel futur – ça ira, ça ira ? Droit devant – ça ira, ça ira – vers un but – ça ira, ça ira… mais l’obstacle se répète au passé : vécurent, vécurent heureux…Et avant ? Et avant ? Obligée de l’accomplir cet oracle tout à l’envers ? Droit devant, tu parles. Accomplir, tu parles. Reconstituer, ça se pourrait. »[3]
La structure apocalyptique refuse le passé, promet l’avenir, et surtout questionne le sens de l’Histoire. Comme dans L’aveuglement de Sarramago, la dramaturgie d’Efoui conteste un système défaillant qui prend en otage une minorité : le peuple. L’auteur porte le monde ancien à son terme pour la promesse latente d’un ailleurs autrement. Le prophète chargé de répandre la Nouvelle, c’est le poète visionnaire ; le « poète à la langue coupée » :
LE VOYAGEUR : Mais non, regarde entre les lignes, là. "Au commencement… au commencement…" Alors cette putain de page blanche, c’est la preuve qu’on n’y arrive pas. C’est un vaste interligne qui continue de faire tic tac, tic tac. Lequel fait naître l’autre ? Le tic ou le tac ?[7]
[1] Kossi Efoui est un dramaturge togolais, exilé en France depuis 1989. Il est l’auteur de plusieurs pièces de théâtre – dont Io en 2006, de pièces pour marionnettes et de deux romans, publiés au Seuil.
[2] Efoui K., Que la terre vous soit légère, Ed. Lansman, Carnières, 1996, p.56-59. Création à l’Hexagone de Meylan, Compagnie du Jour, 1996. Mise en scène Mamadou Dioume.
[3] Efoui K., Le corps liquide, in « Nouvelles Ecritures », vol.2, Ed. Lansman, Carnières, 1998, p.50. Création à Douai, Janvier 1998, mise en scène David Conti.
[4] Que la terre vous soit légère, op.cit., p.32-33.
[5] Que la terre vous soit légère, op.cit., p.12.
[6] Le corps liquide, op. cit., p.44.
[7] Que la terre vous soit légère, op.cit., p.47.
[8] Deleuze G., Critique et clinique, « Nietzsche et Saint Paul, Lawrence et Jean de Patmos », Les Ed. de Minuit, 1993.
[9] Le corps liquide, op. cit., p.51.
[10] Dans Fin de partie, la première réplique annonce la fin : « CLOV – Fini, c’est fini, ça va finir, ça va peut-être finir. Les grains s’ajoutent aux grains, un à un, et un jour, soudain, c’est un tas, un petit tas, l’impossible tas. » (Les Ed. de Minuit, 1957)
[11] Le corps liquide, op. cit., p.54.