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La Plume francophone présente et analyse les littératures francophones à travers des études par auteurs et par thèmes.

Boualem Sansal, Poste restante : Alger

Présentation


Appel à la révolte

Par Ali Chibani

 

 

 

Poste restante: Alger[1] est une lettre de Boualem Sansal qui s’adresse exclusivement aux Algérois. L’auteur sait que la Révolution qui renverserait la dictature algérienne ne pourrait avoir lieu sans la participation de la population de la capitale. D’ores et déjà, nous comprenons que ce livre ait été censuré en Algérie. Il constitue un brûlot contre le pouvoir algérien et un véritable appel subversif au soulèvement populaire : « C'est à nous qu'il revient de donner à notre pays une place gratifiante. Vous connaissez le moyen, on en parle tout le temps entre nous : tout démolir et tout rebâtir. » (p. 74-75). Dans un style épistolaire d'une grande simplicité dominé par le cynisme et un rythme saccadé comme dans toute discussion orale, l'auteur se sachant « disqualifié aux yeux de beaucoup » par les GAT (les gardiens autoproclamés du temple) est quelque peu mal à l'aise : « … je ressens une terrible gêne à venir vous parler ainsi. Qui suis-je ? Pas le mieux indiqué… » (p. 29).

 

            Boualem Sansal rappelle en quelques mots l’histoire de l’Algérie depuis l’indépendance. Il évoque les présidents successifs : « Boumediene le ténébreux », « Chadli, le gandin magnifique dit Jeff Chandler parce qu’il avait une bouille de cow-boy somnolant… » (p. 17), Boudiaf, « l’innocent qui a cru que le pandémonium céderait devant la sainteté… » (p. 18) et à qui le livre est dédié, avant d’arriver à l’actuel dirigeant M. Bouteflika qui a annihilé toutes les libertés sociales acquises depuis l’indépendance au prix de tant de sacrifices. Sansal revient sur le soulèvement d’Alger en octobre 1988, un soulèvement orchestré par le pouvoir lui-même puisque c’est le président Chadli qui a appelé les Algérois à se soulever. L’échec de cette révolte, qui a fait plus de huit cents morts, était donc annoncé : « les jeunes eurent à peine le temps d’incendier les murs de l’administration et les magasins d’État que tout est rentré dans l’ordre. » (p. 20). L’auteur de continuer : « En règlement du solde, il nous fut accordé de dire ce que nous voulions à la fin. » (p. 21) Il fait référence à la naissance du multipartisme qui donnera lieu à une situation politique absurde avec plus de soixante partis politiques, dont le « deuxième front, le monstrueux FIS [Front islamique du salut], pour redorer le blason du vieux front, l’inusable FLN [Front de libération nationale] ! » (p. 22) « [N]os revendications, continue-t-il, sont parties dans toutes les directions et elles étaient rien de moins que folles : la charia ou la mort, l’islam et la liberté, la démocratie pleine et entière sur-le-champ, le parti unique à perpète, le marché et l’État, l’autarcie et l’économie de guerre, le communisme plus l’électricité, le socialisme plus la musique, le capitalisme plus la fraternité, le libéralisme plus l’eau au robinet, l’arabité avant tout, la berbérité de toujours… » (p. 21).

 

            Tout le long de sa lettre, l’auteur pourfend les opinions toutes façonnées par le pouvoir pour s’assurer une longue vie : condamner la dictature, c’est être complice de la France coloniale ; s’opposer au système politique, c’est être contre l’islam… Par souci d’objectivité, Sansal a « sondé les amis, tâté les connaissances (…) sans délaisser ceux-là qui cultivent l’allégorie et le faux-fuyant… » (p. 40) sur « les raisons du mal-être qui ravage le pays… » Les réponses tournent autour des mêmes thèmes : « l’identité, la langue, la religion, la révolution, l’Histoire, l’infaillibilité du raïs. Ce sont là ces sujets tabous que le discours officiel a scellés dans un vocable fort : les Constantes nationales… » (p. 41) qui « font qu’un Algérien est un Algérien dévoué corps et âme à son église, le FLN[2]. » (p. 43) L'auteur procède par la suite au démantèlement de ces « Constantes nationales ». Il compare la réalité culturelle et identitaire du pays à l'image qu'en donnent les dirigeants ; il se souvient du colonialisme et de ses procédés meurtriers et négationnistes repris tels quels par la dictature actuelle ; il condamne l'usage de l'islam par l'Etat donnant plus de poids aux extrémistes et réduisant le simple croyant ou le non musulman au silence...

 

            L'actuel dirigeant, Abdelaziz Bouteflika, est particulièrement visé par la dernière partie de la lettre : « Il nous faut parler de la guerre des islamistes et des commanditaires de 1992-1999, et du référendum pour la réconciliation et la paix... » (p. 68). Le 29 septembre 2005, un référendum était organisé. Il portait sur la Concorde civile qui préconisait la libération de tous les terroristes n'ayant pas commis de « crime de sang » et l'interdiction de parler de « terrorisme » mais de « tragédie nationale ». Sans surprise, le vote a été entaché d'une fraude massive en faveur du « oui ». Cela vaut un commentaire de Sansal : « Il est des paix qui sentent la mort et des réconciliations qui puent l'arnaque. Il n'y a rien de juste, rien de vrai dans l'affaire. » (p. 68)

           

            Poste restante : Alger est une lettre personnelle dont nous n'avons évoqué que les grandes lignes. Sansal ne dit pourtant rien d'autre que ce qui s'entend dans les rues algériennes tous les jours, ce qui se voit dans les rues d'Alger au quotidien. C'est là une « manière improvisée d'engager le débat loin des vérités consacrées... » (p. 85) comme s'il fallait se tenir prêt pour le jour où le peuple algérien sera face à sa « peur » et à son destin : « ... le devoir de vérité et de justice ne peut tomber en forclusion. Si ce n'est demain, nous aurons à le faire après-demain, un procès est un procès, il doit se tenir. Il faut se préparer. » (p. 72)



[1] Boualem Sansal, Poste restante : Alger, Paris, Gallimard, 2006.

[2] Le Front de libération nationale, du nom de l’aile politique indépendantiste de l’Algérie coloniale, a longtemps été le seul parti politique algérien. Depuis les années quatre-vingt-dix, il partage le pouvoir avec son frère jumeau le RND (Rassemblement national démocratique) et le MSP – ex HMS – (Mouvement de société pour la paix), dit « parti islamiste modéré », un parti politique, où l’on compte des anciens du FLN, censé représenter l’aile islamiste de la classe politique et calmer les ardeurs des électeurs du FIS.

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R
bonjour,bien que non algérien, ce livre et vos commentaires me donnent envie delire cette "lettre"; il serait bon d'en parler sur un forum qui connaît boualem sansal pour d'autres  récitshttp://grain-de-sel.cultureforum.net/forum.htm
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G
bonjour sincerement je n'ai pas eu l'occasion de lire le roman de boualam sansal "la poste restante"mais il s'avère que certains de ses conclusions sont fort interessantes certes il traite plus specifiquement du quotidien algerois mais alger est la partie la plus nevralgique et hypersensible de l'algérie c'est pourquoi la comprehension dde la ville d'alger et de son histoire recente nous renseigne sue les maux de l'algérie profonde ,les bidonvilles qui longent le val d'hydra en est la preuve en plein coeur d'alger ,des gens squattent des logements illicites des bodonvilles a la limite de ll'absurde ou le phenomene de l'islamisme s'y incrusté avec vigueur ,la crise de l'islamisme a mencé l'existence meme de la nation algérienne,il a provoqué la destruction du tissu social de la société algérienne,si l'on fait une retrospective aux évènements d'octobre 1988 et ses effets collateraux sur la politique algérienne ,il est certais que les analyses du sociologue algérien  el haddi houari à ce propos sont fort édifiantes.merci
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A
<br /> Cher Guerroua,<br /> <br /> Justement, Sansal reproche aux Algérois leur insensibilité et leur manque de réaction. Merci pour ce témoignage éclairant sur la ville d'Alger et de vous référer au sociologue Hedi Houari.<br /> <br /> Cordialement.<br /> <br /> <br />
H
Bonjour, De toute manière, le débat sur l'Algérie est sans limite.Je reproche quand même à l'opposition dite démocratique son absence de pragmatisme et de réactivité aux réalités quotidiennes des algériens.Durant 5 ans (pour ne prendre comme référence que l'exemple du présent quinquennat qui s'achève), qu'a fait l'opposition ? rien de concret ni d'efficace, se contentant de fustiger le régime et ne s'adressant jamais aux masses.La coupure avec le peuple n'est pas que le fait du pouvoir, elle implique aussi une opposition incapable de s'affranchir de la vision étroite du champ politique.On cible le régime et ses clientèles, soit, mais où est le peuple dans tout cela ?Les partis d'opposition se cachent derrière la fermeture du champ médiatique (la télévison en particulier) pour justifier leurs carences "communicationnelles" en direction des masses.Où est le militantisme de terrain, le porte à porte, la distribution, non pas de tracts, mais de programmes d'action, de propositions économiques et sociales ?Pourquoi attendre tous les 5 ans (une échéance électorale) pour se rappeler au souvenir du peuple et montrer qu'on sait faire des suggestions ?Non décidément, notre opposition est totalement hors-jeu !Quand au CCDR, s'il s'agit de celui de Brerhi, je crois qu'il n'a jamais été crédible...Cela dit, il y a une piste non encore explorée, à mon sens : celle des processus d'intégration économique en cours en relation avec l'Union européenne et qui ne concernent pas que notre pays. Plus précisément, quelles intiatives nos intellectuels, nos cadres à l'étranger (notre diaspora) sont-ils capables d'engager en concertation avec les institutions européennes pour faire bouger les lignes en Algérie dans le sens le plus conforme à la diversité algérienne ?Je crois qu'il y aurait bien des options à développer dans ce cadre, à condition de faire preuve de volontarisme et d'imagination.Salutations,Hamidou
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A
<br /> Bonjour,<br /> <br /> Sur le fossé qui sépare la classe politique algérienne de la société - je préfère ce terme à celui de "masse" -, je crois que je n'ai rien à ajouter à ce que vous avez dit. Je regrette seulement<br /> que, pour ce qui est du champ médiatique, la presse indépendante ou déclarée comme telle, attende que les partis viennent à elle. Logiquement, c'est le journaliste qui cherche l'infos et non le<br /> contraire.<br /> L'UE peut-elle changer quelque chose? J'en doute. Vous le savez bien : l'UE est soumise à la loi du marché capitaliste et elle est en réalité impuissante quant à imposer le respect des droits de<br /> l'Homme ou de la démocratie. Si elle pouvait agir en ce sens, elle commencerait pas le faire en Italie ou la chasse au Roms est déclarée depuis le nouveau mandat de Berlusconi.<br /> <br /> La question de la diaspora algérienne est importante. On sait que la plupart des révolutions dans le monde ont eu un appui et des soutiens de l'étranger. Mais force est de constater que l'Algérien<br /> où qu'il aille emmène avec lui les rancunes du pays et les oeillères qui vont avec. Espérons qu'un jour cela changera!<br /> <br /> Cordialement<br /> <br /> Voir: http://www.lesoirdalgerie.com/articles/2008/10/27/hakim.php<br /> <br /> <br />
H
Bonjour,Sur la régionalisation comme une des voies de sortie de la crise algérienne, je suis entièrement d'accord.  Cette option avancée en 1990 par Ait Ahmed est malheureusement systématiquement rejetée par le pouvoir qui préfère agir via une gestion territoriale centralisée pour préserver ses intérêts.Sur nos rapports avec la France, je voulais surtout suggérer un parallèle avec l'Afrique du Sud dont les responsables ont su maintenir des relations cordiales avec les populations blanches qui ont voulu rester dans ce pays après son indépendance.Je persiste à croire que les dirigeants de la révolution algérienne sont passés à côté de quelque chose d'important en faisant l'impasse sur ce qu'aurait apporté à notre pays une organisation apaisée et inventive des relations avec la France.J'évoque cet aspect car l'évolution des choses en Algérie est significative de cet échec : je crois que s'il n'y avait pas de visa, l'Algérie se viderait de sa population, et les gens iraient en France massivement. C'est cela la réalité, et le phénomène des harraga est là pour prouver que les notions de nation, de conscience collective, d'identité historique ne signifient rien pour l'algérien. L'abandon est total, l'Etat est totalement submergé, les intellectuels cherchent à tirer leur épingle du jeu, les islamistes avancent lentement mais sûrement.Je ne suis pas fataliste ni pessimiste mais je crois que l'Algérie ne fera pas l'économie de l'islamisme comme mode de gestion de l'Etat et de la société.  Qu'en sortira t-il ? je n'ai pas de réponse à la question. Certains disent que ce sera le chaos...Y a t-il une alternative à cette issue ? au niveau du discours, on peut tout dire, mais encore une fois, les réalités sont là, incontournables, qui ne permettent pas du tout de dire qu'il y a des gens capables de porter un projet novateur, prenant en compte la diversité algérienne.Hamidou
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A
<br /> Bonjour,<br /> <br /> Il me semblait que c'était Saadi qui avait proposé le fédéralisme comme solution au mal algérien. Enfin, peu importe tant que l'idée y est. Si le peuple français n'avait pas été diabolisé après<br /> l'indépendance par le "nouveau" FLN, je pense que l'Algérie n'en serait pas là. Cela aurait déjà évité des massacres inutiles (les Pieds-noirs, les messalistes, les harkis...) et aurait enlevé aux<br /> orateurs du pouvoir l'occasion de fédérer le peuple contre la menace d'un nouveau colonialisme. Mais l'armée des frontières a bien préparé son coup.<br /> <br /> Aujourd'hui, je m'interroge sur l'état de ces relations. Sont-elles aussi mauvaises quand on sait qu'elles ont permis à l'Etat français de participer au pillage des ressources algériennes et<br /> qu'elles ont permis aux décideurs algériens de bien placer les sommes détournées en achetant des hôtels à Paris. Je rappelle par ailleurs que ce sont MM. Chirac et Jospin qui ont protégé le régime<br /> en place en empêchant la Communauté internationale d'intervenir quand, en 2001, les forces de "l'ordre" tiraient à balles explosives sur des enfants en Kabylie.<br /> <br /> Vous dites que l'Algérie ne fera pas l'économie de l'islamisme comme mode de gouvernance. Je suis malheureusement d'accord avec vous. Bouteflika a préparé la place à Madani Mezrag et aux anciens du<br /> FIS. Ils ont une place de choix en Algérie à tel point que de nombreux jeunes chômeurs ont feint d'avoir pris le maquis et se sont rendus comme repentis. Au "tangos", il ne reste plus qu'à attendre<br /> la disparition de l'actuel "président" pour prendre sa place. A moins que les éradicateurs interviennent, et ce serait alors reparti pour une bonne décennie de massacres pire que celles des années<br /> 90 vu que les futures "moudjahidins" ont eu le temps de se reposer, de prendre des forces et de s'armer. Oui, s'il n'y avait pas besoin de visas pour voyager, il n'y aurait plus que douze hommes<br /> habitant l'Algérie, douze généraux plus précisément. Mais quand un pays qui compte trente millions d'habitants en a - officiellement - un tiers à l'étranger par manque de choix, n'est-il pas déjà<br /> perdant?<br /> <br /> Pendant ce temps, le navire Algérie est à la dérive et rares sont ceux qui semblent s'en préoccuper. Et, pur affaiblir leur message, ils le font tous chacun de son côté. Il n'y<br /> a eu qu'une seule tentative d'unir les voix de l'opposition à travers la CCDR. Et elle n'a pas fait long feu! Et quand bien même quelqu'un tirerait la sonnette d'alarme suffisamment fort pour se<br /> faire entendre qui l'écouterait? Je rappelle que Djaout a écrit sur le danger des islamistes en 80 et en 87, mais l'a-t-on seulement compris? En Algérie, on a l'habitude de réagir avec un temps de<br /> retard.<br /> Pour le moment, on peut dire que les Algériens ont besoin d'une bonne école, d'un niveau de vie sociale correct pour sortir de l'humiliation de la pauvreté quotidienne. Ils ont surtout besoin de se<br /> connaître entre eux car quoi qu'on en dise, l'islamisme est un piège tendu par les actuels gouvernants. Ne faut-il pas rire de ces hommes qui ordonnent à une société majoritairement musulmanne de<br /> l'être encore plus. C'est un peu donner du thé à fumer au peuple pour qu'il ne reste pas éveillé, pour faire référence à la chronique de Hakim Laalam.<br /> <br /> La question de Boudiaf mérite d'être posée à nouveau, par dépit, mais aussi par peur de regarder la réalité en face : Où va l'Algérie?<br /> <br /> Cordialement.<br /> <br /> <br />
H
Comment s'en sortir ? question extrêmement difficile.En revanche, ce que je crois c'est que je ne vois pas en quoi l'Algérie peut se distinguer des autres pays arabes où le pouvoir est monopolisé depuis les indépendances par les mêmes "élites" ou leur progéniture. Les " Républiques" arabes sont devenues de vraies dynasties (Egypte, Syrie, Libye, Tunisie, Yémen, Maroc, Soudan...) par le truchement desquelles le pouvoir se lègue, se conserve, se perpétue; c'est la tribu qui régente encore et toujours.Le même processus est en cours en Algérie; il en a toujours été ainsi en réalité.Sansal pose une question que beaucoup d'intellectuels algériens ont déjà posée: c'est la quadrature du cercle.Pourquoi ne pas poser la question tabou et qui est la suivante:Les chefs de la révolution algérienne n'ont-ils pas été carentiels dans la définition des stratégies post indépendance, et d'abord dans le sens à conférer à l'indépendance ?Un de mes anciens camarades de fac récemment rencontré a été plus loin en me renvoyant à 1958, année selon lui décisive quant au sort de ce qui allait être l'Algérie indépendante.L'évolution des choses semble lui avoir donné raison.Pourquoi nos intellectuels ne soulèvent-ils pas les questions qui fâchent, en particulier sur notre rapport à la France ?Hamidou
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A
<br /> Pour répondre à votre question, il faut savoir de quels chefs de la révolution vous parlez. S'agit-il de ceux qui ont été les cerveaux et les bras de la guerre ou de ceux qui se présentent comme<br /> d'anciens révolutionnaires aujourd'hui? Les premiers ont fait de leur mieux (voir le Congrès de la Soummam). Et s'ils ont été carentiels, on ne pourra pas le leur reprocher vu qu'ils ont<br /> pratiquement tous été victimes des purges organisées par l'armée des frontières. Celles-ci - elle constitue les gouvernants algériens depuis lindépendance - pendant que certains se<br /> battaient pour l'indépendance, était restait bien au chaud danq les pays voisins pour prendre le pouvoir le moment venue (voir Où va l'Algérie?). Elle a été aidée par certains<br /> anciens militaires sous les drapeaux français et qui ont changé de bord à la dernière minute pour devenir des généraux algériens!<br /> Mais, malgré tout, je serais tenté de répondre à votre question par cette phrase de Fellag : "ça a toujours été comme ça". La véritable question qu'il faut se poser à mon avis est la suivante :<br /> qu'entendons-nous par l"Algérie? En dehors d'un territoire et d'une dictature partagée, qu'est-ce qui fait qu'on est Algérien? Répondre à cette question est important dans la mesure où cela<br /> rendrait possible l'émergence d'une Nation ou chaque région du pays, avec ses cultures et ses différences, se sentiraient concernée par les questions des autres régions. Cela rendrait possible une<br /> action populaire unie sur l'ensemble du territoire. Un soulèvement général comme le veut Sansal. L'absence de définition de ce que devrait être l'Algérie post-coloniale aboutit à un réel danger que<br /> vous avez vous-même soulevé : l'islam radical a tendance à devenir la seule constituante identitaire autour de laquelle se retrouvent les Algérins du nord au sud et de l'est à l'ouest. Et ce<br /> radicalisme est porteur d'un réel projet politique qui est en mesure de mettre en branle un mouvement social uni. Mais pour quelle Algérie? En 1991, nombreux étaient les électeurs qui ont voté FIS<br /> parce qu'ils étaient convaincus que c'était le seul moyen de mettre fin à trente ans de dictature militaire et de parti unique. Ce sentiment est toujours présent et il est difficile à nier<br /> puisqu'il n'y a plus d'opposition démocratique, politique ou associative, en Algérie. Aujourd'hui, les intellectuels répondent plus à des préoccupations "parisiennes" qu'à des préoccupations<br /> algériennes. Et ceux d'entre eux qui essaient de parler de leur pays se font censurer (Sansal et Benchicou). Seulement voilà, si les Algériens se plaignent de l'absence de l'intellectuel sur la<br /> scène médiatique et politique, pourquoi il ne réagit jamais quand un livre ou un album est censuré par l'Etat?<br /> Concernant votre question sur les rapports franco-algériens, je ne comprends pas ce que vous entendez par là...<br /> Cordialement.<br /> <br /> <br />